Cultiver en pot ou en terre ? Une question d’eau…

Pour des raisons de préservation de ma santé, j’ai fait le choix de m’orienter vers une production de la pépinière, en pots (ce qui ne signifie pas qu’ils seront vendus ainsi, mais c’est une toute autre histoire).
En pratique, j’ai certes pu observer un développement racinaire conséquent en pleine terre, sur certains porte-greffes, notamment ceux dits “francs”, notamment de poiriers, et pommiers.

Mise en pot terminée !

Avec l’expérience, j’en suis venu également à observer que la plupart des portes-greffes nanifiants peuvent être cultivés indifféremment et pots et en terre, et qu’il était bienvenue de cultiver des francs en pleine terre, pour assurer un développement racinaire maximal (au delà des capacités d’un pot) et d’énormes pivots, avec une bonne reprise et résistance à la sécheresse ensuite. Une des rares exceptions concernant l’asiminier, ne supportant pas qu’on lui chatouille les racines. (Sauf à vouloir voir un sujet stagner des années…)

Ma fidèle assistante, inspectrice des travaux (presque) finis pour les greffes du weekend ! =D



Toutefois, un problème de taille se pose. La santé du pépiniériste.
Arracher des plants au louchet, n’est clairement pas infaisable, mais c’est un travail très physique et de longue haleine, usant pour le corps, et au vu des perspectives actuelles concernant la retraite, qui ne sera sans doute jamais d’actualité, dans l’idée de prendre soin de mon corps, et d’éventuels salariés un jour, je ne tiens pas à développer ce mode de culture, sauf sur demande, pour de petites quantités.
D’autant plus que les francs de pommiers et poiriers, mettent parfois plus de dix à quinze ans avant de produire le moindre fruit… Mais je reste aussi convaincu qu’il est nécessaire, pour une histoire de résilience alimentaire et de préservation variétale, d’en planter une petite quantité, vu leur envergure et durée de vie.

La jauge temporaire était pleine… À défaut de table de rempotage, il a fallu improviser avec un big bag, ayant bien fait l’affaire, y compris pour rempoter tout ça !
Vous noterez également la hauteur des greffes, très hétérogènes… Quand on a peu de greffons, on fait ce qu’on peut, pour faire correspondre les greffes à l’anglaise compliquées selon le diamètre disponible ! ^_^

Et la reprise des plants après plantation ?
Certains objecteront peut-être que la reprise est en général meilleure avec des plants n’ayant pas stagné dans des pots, mais ce n’est pas ce que j’observe en pratique. J’ai même vu des arbres passer plusieurs années dans des pots rachitiques (j’ai notamment l’exemple en tête d’un pêcher ayant passé un an et demi dans un godet de 7cm par 7cm, avec une terre argileuse de remblais, qui a fait une pousse de 1m70 en une saison…) et exploser à la reprise après plantation, ou après avoir souffert sur un lieu défavorable puis avoir trouvé une faille dans la roche mère pour avoir accès à l’eau.

L’eau :
Et c’est là que j’en viens au sujet qui fâche généralement. De toutes les observations que j’ai pu faire, le point clé sur la réussite de reprise et la vitesse de croissance des arbres, le premier facteur, c’est l’eau.

Le dogme de la plantation sans arroser de jeunes plants, a vécu, au même titre que des jardiniers furent des tenants de la culture d’un potager sans eau, simplement en suivant des principes enseignés en permaculture.
Oui couvrir le sol aide énormément, maintenir un sol riche en matière organique est favorable sur de multiples aspects, mais face au mur du changement climatique, les dogmes s’effondrent.

Par expérience personnelle, en cette année 2022, avec des records observés de températures et des canicules à répétition, une période de sécheresse exceptionnelle, mais , avec une irrigation au goutte à goutte de nuit (et une couverture du sol au BRF), non pas pour l’arrosage pur et dur, mais afin de maintenir de la fraîcheur dans les sols dès le mois de mai, j’ai observé une croissance exceptionnelle des jeunes plants que j’avais en terre.
Cette croissance, je la constatais sans aucune brûlure ni stress sur tous types de plants fruitiers, à l’exception des camerisiers et certains agrumes, déjà réputés pour être sensible sans même avoir une année exceptionnellement chaude et ensoleillée. Ce qui signifie que la très grande majorité des plantes étaient capables d’encaisser les 53°C en plein soleil, du moment qu’elles sont en capacité d’évapotranspirer.
Une partie de ces mêmes plantes, ont montré une faible croissance chez des amis pépiniéristes, voir un certain taux de mortalité. Et même les arbres bien développés ont montré des phénomènes de brûlures des feuilles, un certain stress hydrique.

Cette situation, je l’ai aussi bien observé pour les plants en pots que j’arrosais par trempage dans des bacs, avec une petite réserve sur le fond, qu’en pleine terre. L’eau c’est la première clé de fertilité.

Voici un exemple des croissances observées et mesurées en fin de saison (la plupart, expérimentales) :

-Agrume Fa5: 80cm (Pot)
-Pommier Kazak lavergne : 140cm (Pot)
-Pommier Reinette de Brive : 130cm (Pot)
-Pommier Winter Banana : 130cm (Pot)
-Pommier Goldrush : 80cm (Pot)
-Sebtan chinois : 80cm (Pot)
-Pommier Pixie Crunch : 2 x 100cm (Pot)
-Pommier Pixie Crunch : 120cm (Pot)
-Pommier Pixie Crunch : 100cm (petit greffon, scion très fin – Pot)
-Pommier Ariane : 1 rameau de 80cm, un rameau de 60cm (Pot)
-Pommier Canada blanc : 80cm, trappu (Pot)
-Pêcher Reine des Vergers : 80cm, greffe à 35cm (Pot)
-Pommier Reinette du Canada : 2 x 60cm (Pot)
-Pommier Akane : 100cm (Pot)
-Pommier Boskop : 120cm (Pot)
-Kiwi minkigold : 180cm (Pot)
-Kiwi Jenny avec engrais : 2 x 140cl (Pot)
-Kiwai Issai avec engrais : 5 x 220cm (Pot)
-Bibaciers de semi : 45cm (Pots)
-Asiminiers de semi : 25 à 35 cm (Pots, à l’ombre)
-Agrume (porte-greffe) Volkamerania : 120cm (Pot)
-Avocatier Mexicain 2ème année : 35cm, dont 10cm de pousse. Trappu. (Pot)
-Avocatier issu de Poncho, de Benoît : 60cm (Pot)
-Avocatier issu de Bacon, 2 ans : 50cm (Pot)
-Mûrier nain Mojo Berry : 6 rameaux de ~200cm (Pleine terre)
-Abricotier Polonais (greffe de l’année) : 6 rameaux de ~200cm (Pleine terre)

Une greffe d’abricotier polonais effectuée début Mars 2022, le voici le 09 Mai de la même année, malgré un coup de gel peu après la greffe (à noter que sur 5 tiges sur le porte-greffe, c’est la seule a avoir pris).
On observe bien la greffe à l’anglaise compliquée.
Le même pied le 23 Juin 2022, sans stress hydrique.
La greffe a bien évoluée, le cal cicatriciel s’est développé.
Le gel de printemps avait brûlé le bourgeon terminal, entraînant une ramification dès cette année.
Et voilà le résultat au 29 août 2022
Un autre point de vue. La greffe a dépassé les 2m sur 6 rameaux, sur cette seule année de pousse, et a continué de croître en Septembre, il porte même des bourgeons à fleurs malgré l’absence de bouquets de mai.

À noter qu’une belle croissance a été constatée sur les bananiers fruitiers, les hybrides de prunus, et cerisiers en pleine terre.
À contrario, j’ai observé une stagnation et un dépérissement des jeunes pieds de deux voir trois ans n’ayant presque pas été accompagné par une irrigation des sols, jusque là.
Des noisetiers sans irrigation sur une parcelle voisine, plantés il y a deux ans ont stagné, heureusement à l’ombre d’autres arbres, mais des elaegnus umbelatta, ainsi qu’un cerisier sont morts, brûlés, des framboisiers ont péris, de même qu’un prunier de bonne réputation planté en racine nue…

En bref, absolument convaincu que n’importe quel dogme doit être mis à l’épreuve, j’ai comparé, et en ai tiré mes propres conclusions.
Qu’importe les conditions et conditionnements des plants fruitiers, tous vont souffrir du manque d’eau dans le sol, d’autant plus s’il y en a peu, qu’il s’assèche rapidement (le vent d’Autan ici, en est un exemple frappant au printemps…), particulièrement sur de jeunes pieds, et bien que les pieds francs de pommiers et poiriers, habituellement issus de semi, généralement cultivés en pleine terre, s’en sortent mieux (mais s’en sortiraient encore mieux si accompagnés), le conditionnement pour les autres, ne change rien à l’affaire, car étant nanifiant ils ont un système racinaire calqué sur cette spécificité, la clé était alors l’accès à l’eau.

Nourrir, ET hydrater les sols !
Entendons bien que je ne parle en rien d’arroser les plants, mais d’irriguer les sols.
En maintenant un sol frais, surtout quand on s’échine à avoir un sol vivant, couvert, on y favorise l’activité biologique sous toutes ses formes, même les lombrics restent actifs durant un été caniculaire et aèrent le sol.
En maintenant ce sol frais, constamment, l’hydrométrie y reste quasi constante du printemps à l’automne. Les plants ne développent pas de système racinaire en surface comme dans le cadre d’un arrosage des plants dont l’eau est située principalement en surface ou sur quelques zones très localisées, et jusqu’à une certaine profondeur maximale avec un taux d’humidité qui augmente plus on se rapproche de la surface.

Avec ce sol frais, les plantes ne souffrent d’aucun stress hydrique sinon celui lié à leur caractéristiques propres, où, de la même façon qu’elles ont une limite de rusticité, elles ont également un seuil de tolérance à la chaleur, mais que beaucoup confondent avec un stress hydrique.
Rappelons nous que la plupart des plantes fruitières étaient exotiques, et issues de milieux à l’hydrométrie plus élevées (parfois moins, d’où l’utilisation de portes-greffes adaptés !) que sous nos latitudes, où les sols sont frais toute l’année !

Maintenir un sol frais, dès le printemps, notamment sur des sols ayant un minimum d’argile, me semble en outre nécessiter moins d’eau qu’avec des arrosage localisés, lorsque l’on a beaucoup de végétaux.
Les sols argileux ont une excellente capacité de rétention de l’eau. Et, dans le cadre d’une hygrométrie bien répartie, de façon égale, sur une certaine surface, le système racinaire semble se développer uniformément et ira chercher de l’eau, partout.
Bien évidemment, c’est une toute autre affaire pour des sols sableux, et limoneux, bien que ça puisse se discuter aussi, l’activité biologique, notamment bactérienne, favorisant l’humus, mais également la dégradation des roches… En argile. Un processus long, certes.
En outre, un sol retenant peu l’eau, aurait tout à gagner à bénéficier d’apports en eau suite à un apport de matière organique carbonée, du fait de l’extraordinaire capacité de rétention et redistribution de l’eau des… Champignons !

Je n’ai pas encore tenté l’expérience, mais suite à ces essais, je serais curieux de voir le comportement de parcelles privées de ce coup de pouce, une ou deux années ensuite, afin d’observer si la pratique a été bénéfique sur le long terme tant pour les auxiliaires, que les plantes en terre.
Ce d’autant plus que les plants ayant bénéficié de cette forte croissance, auront la capacité et l’énergie pour bien étendre leur système racinaire en cas de coup dur.